Quelle place pour les compétences dans l'entreprise : web conférence du 3 juin 2021

Le 3 juin 2021, France Stratégie a organisé une web-conférence de présentation du rapport intitulé "Quelle place pour les compétences dans l’entreprise ?".

Plusieurs acteurs ont participé à cet évènement et trois témoignages ont été diffusés, dont celui d’Amélie Dumas, cheffe de projet IBC – Identification des Besoins en Compétences des entreprises au sein du Gip Alfa Centre-Val de Loire. Cette action est portée par le Pacte Régional d’Investissement dans les compétences en Centre-Val de Loire.

En introduction, Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, a présenté le contexte dans lequel le rapport "Quelle place pour les compétences dans l’entreprise ?" a été réalisé. Il est notamment revenu sur les transformations en cours des métiers mais aussi sur l’évolution du regard que l’on y porte. Les deux animateurs Marième Diagne et Vincent Donne ont présenté les grandes conclusions et orientations issues du document publié en avril 2021. Ils sont tous deux chefs de projet à France Stratégie et co-auteurs du rapport.

Mesurer le rôle de la compétence dans les pratiques des entreprises

Marième Diagne explique que la compétence est aujourd’hui considérée comme un des éléments structurants du marché du travail et de la relation formation-emploi par les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs institutionnels. Pourtant il est difficile de mesurer le rôle que joue réellement cette notion dans les pratiques effectives des entreprises. C’est ce constat qui a amené le Réseau Emplois Compétences à lancer en 2019 un groupe de travail pour réfléchir à la façon dont les entreprises mobilisent les compétences dans le cadre de leurs pratiques, notamment en matière de ressources humaines.
Réunissant des experts, des représentants du monde de l’entreprise, des acteurs institutionnels et de l’accompagnement, ce groupe de travail piloté par France Stratégie s’est réuni sept fois entre mai 2019 et décembre 2020. Il s’est appuyé sur les travaux existants, sur les remontées et les expériences de ses membres, sur des auditions et enfin sur les résultats d’une étude monographique ad hoc conduite par Sauléa auprès d’un échantillon d’entreprises de tailles diverses. Cette étude a été initiée pour faire émerger du matériau original (cf. infra).

Retour sur un paradoxe

Pour effectuer le diagnostic, et pour l'introduire, Vincent Donne revient sur les représentations observées sur la notion de compétences en entreprises, qui fait émerger un grand paradoxe, source de nombreuses incompréhensions : "Si toutes les entreprises font face à des enjeux qui à leur manière embarquent la notion de compétences, en réalité, une grande partie d'entre elles, ne se sentent pas concernées par l'objet de la gestion des compétences, qu'elles estiment éloignées de leur préoccupations quotidiennes".

Les pratiques effectives en matière de compétences

Pour les entreprises, la compétence revêt une notion très précise, pointue et opérationnelle. La notion de compétences touche directement les enjeux de développement de l’activité, de gestion des ressources et de temps. Pour les entreprises, la notion de compétence devrait être est un véritable appui à la stratégie d’entreprise, à la performance économique et sociale. Les démarches compétences doivent permettre de "répondre à des enjeux business", tel qu'en a témoigné l'entreprise Orange au cours des travaux du groupe.


Comment la notion de compétences est-elle mise en place dans les entreprises ?

Suite aux auditions, trois réponses ont globalement été apportées à cette question. Soit les entreprises avaient conscience qu’il fallait intégrer pleinement la notion de compétences mais elles n’avaient pas de solution pour concrétiser, soit elles utilisaient des outils RH qui tournent autour de référentiels compétence. Soit, pour finir, elles pratiquaient une approche GPEC, Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences, centrée autour d’une démarche d’anticipation, de prévision, qui donnait lieu à un dialogue social. Ce dernier aboutissait généralement à la signature d’un accord social ou de branche.
Les co-auteurs font ici remarquer que les entreprises ont donc principalement limité leurs approches à des méthodes de GPEC, ce qui créé un décalage entre les enjeux du quotidien des entreprises et les réponses formalisées et règlementaires fixées dans le cadre d’une GPEC.

Comment la compétence s'est développée ?

Deux voies majeures ont été identifiées.
La première est celle des gestionnaires de ressources humaines qui ont transposé les compétences dans les entreprises par la mise en place de modèles. Sur le marché de la gestion des compétences, ce type de travaux a également pris de l’ampleur avec une offre grandissante proposée par les consultants.
Le seconde voie identifiée est celle des pouvoirs publics, on parle d’"institutionnalisation" de la compétence. L’objectif est de faire de la compétence une référence dans l’administration du marché du travail pour notamment, permettre de qualifier la compétence pour les moins formés. Les pouvoirs publics ont mis en place des obligations légales sur la formation, l’accompagnement des parcours … et ils vont aller encore plus loin en introduisant dans la loi, l’obligation de négocier de la GPEC. En effet, depuis 2005 et la loi "cohésion sociale", les entreprises de plus de 300 salariés doivent négocier des accords de GPEC.


Vincent Donne, chef de projet à France Stratégie co-auteur du rapport indique que les actions précitées, jugées trop lourdes peuvent décourager, et une part non négligeable des entreprises ne se sentent pas concernées par la gestion des compétences, c’est notamment le cas pour les TPE/PME. Rappelons qu’en région Centre-Val de Loire, plus de 90 % du tissu productif est composé de petites ou moyennes entreprises.

Diagnostic et recommandations

Emmanuelle Begon, coordinatrice à la Maison de la formation en situation de travail, présente deux approches et leurs écueils.
L’approche gestionnaire tout d’abord, pour laquelle l’écueil serait d’avoir une conception individuelle de la compétence : "la juxtaposition de compétences individuelles n’est pas suffisant pour réussir un projet". Les outils ne peuvent décrire la complexité, mais ils sont tout de même utiles comme outils de médiation.
L’approche embarquée ensuite : on se forme en travaillant. Cette approche est le plus souvent observée dans les entreprises qui n’ont pas d’outils. Quand ces entreprises sont en perte de vitesse et qu’elle se tournent vers les acteurs locaux, ces derniers vont leur parler de compétences. Mais avant de proposer cette approche, il est nécessaire de poser un diagnostic pour proposer une solution adaptée à la situation de l'entreprise.


Dans le rapport, ont été identifiées six thématiques participant à la construction des compétences :

  • Valorisation et reconnaissance : savoir reconnaître et évaluer les compétences
  • Organisation du travail : encourager les organisations de travail apprenantes / capacitantes
  • Management : participer à l’activation des compétences en s’intéressant plutôt au travail
  • Empreinte sociale dans le territoire : faire de l’entreprise le cœur de l’écosystème territorial
  • Performance : intégrer la composante "compétence" comme une variable stratégique
  • Formation, comme investissement immatériel.

Pour Anne de Blignières, maître de conférences, HC Université Paris Dauphine PSL, la compétence doit être au cœur des changements. Il faut déplacer le curseur de la compétence identifiée et produite, aux conditions de production de la compétence. Il ne suffit pas d’avoir de bons référentiels de compétence ou d‘avoir de bonnes formations, même si cela y contribue. Le management des compétences est au cœur d’une interface active entre ceux qui sont dans la stratégie, dans la fonction RH et dans l’environnement socio-économique dans lequel l’entreprise évolue.

Les conditions de réussite

L’adoption du langage de la compétence comme socle de communication commun est une des conditions essentielles pour la réussite d’un projet, comme les conditions organisationnelles, savoir valoriser les boucles. La condition écosystémique va également jouer dans la réussite d’une action. Il est nécessaire de renforcer autour des entreprises, un véritable écosystème de proximité qui embarque les acteurs de l’emploi et de la formation pour une meilleure coordination.
Il apparaît nécessaire également de laisser la possibilité aux personnes d’expérimenter. Anne de Blignières revient sur un des appels à projet lancé dans le cadre du PIC, 100 % inclusion, dans lequel il existe une phase d’activation de la compétence, qui passe par l’expérience.
On peut retrouver ce procédé pour les demandeurs d’emploi dans des dispositifs de mise en situation, afin qu’ils puissent mieux se rendre compte des compétences acquises ou à acquérir.

L’accompagnement

Il a été observé une difficulté pour les entreprises à se repérer dans les dispositifs qui leur sont dédiés. Dans le cadre de l’étude, une cartographie des acteurs de l'accompagnement des entreprises a été réalisée par Centre Inffo (cf. infra).
Dans le rapport, il ressort également un besoin d’adaptation plus accru de la part des acteurs de terrain afin de proposer des solutions davantage "sur-mesure" et coconstruites avec l’entreprise. Dans ce cadre, il est important qu’un diagnostic soit établi en amont de chaque action d’accompagnement.

L’accompagnement, l’engagement réciproque avec l’entreprise co-constructrice des solutions font partie des éléments clés dans le rapport pour un passage réussi à l'approche compétence. Les acteurs de l’accompagnement doivent également partir sur une sensibilisation aux bénéfices de cette approche pour que les entreprises puissent considérer la compétence comme stratégique.


"Oui c’est chronophage mais il vaut mieux bien identifier les compétences, pour mieux recruter ou, pour mieux choisir une formation", Aline Bomba, responsable études marketing et projets à enjeux sociétaux, Uniformation.

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