Les failles du contrôle de la qualité des formations professionnelles auscultées dans un rapport d'inspections

28/05/2024 - Un rapport consacré à la qualité de la formation professionnelle appelle à un renforcement général des outils de contrôle des organismes de formation.
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86 % d’entre eux n’ont pas été contrôlés en 2022.

La formation professionnelle est-elle suffisamment contrôlée ? Sa qualité est-elle garantie ? Alors que l’offre a explosé sous l’effet de la libéralisation de l’apprentissage et de la plateforme Moncompteformation, un rapport des Inspections générale des affaires sociales (Igas) et de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR), diffusé vendredi 24 mai, permet de faire un large tour de la question. Au vu des montants consacrés à la formation professionnelle - plus de 26 milliards d’euros en 2021 -, la mission appelle à une "montée en gamme de l’ensemble des composantes de l’assurance qualité de la formation professionnelle" et à une meilleure coordination entre ces acteurs.

Dans ce vaste état des lieux, réalisé à la demande des ex-ministres du Travail, de l’Éducation nationale et de la Formation (Olivier Dussopt, Pap Ndiaye et Carole Grandjean) – les deux inspections dressent le constat d’un système "complexe" où interviennent de nombreux acteurs et avec des missions qui leur sont spécifiques. Mais qui s’avère dans l’ensemble sous-dimensionné et peu efficace. La mission indique que 86 % des organismes de formation (OF) n’ont pas été contrôlés en 2022. "Parmi les OF contrôlés (13 %), un cinquième l’a été plusieurs fois, ce qui représente au total 3 % de l’ensemble des OF", peut-on lire dans le rapport. Leur enquête révèle également que 34 % des centres de formation d’apprentis ont été contrôlés au moins une fois en 2022, pour au moins une formation.

Les services régionaux de contrôle en sous-effectifs

Alors que divers cas de fraudes ont émergé ces dernières années, les autorités en situation de limiter ces risques ont des difficultés à agir. Ainsi, “les contrôles de nature administrative (...) apparaissent bien structurés, même si les moyens qui y sont consacrés sont insuffisants, notamment dans les services régionaux de contrôle (SRC)”, soulignent l’Igas et l’IGESR. Ces services de l’État, qui fournissent la déclaration d’activité aux organismes de formation, disposent là d’un levier puissant de lutte contre la fraude. Sauf qu’ils se trouvent en "sous-effectif chronique" : 716 contrôles d’organismes de formation ont été réalisés en 2021, pour un volume "relativement modeste" de fonds versés s’établissant à 121,3 millions d’euros.

Filtrage des formations CPF et à France compétences

S’agissant du compte personnel de formation, la mission note que la Caisse des Dépôts a mis en place, à la suite du développement de fraudes massives, un dispositif qui a permis d’opérer un filtrage "significatif" à l’inscription sur la plateforme. 88 % des demandes d’organismes de formations ont été rejetées en 2022.

L’inscription des différentes certifications auprès de France compétences est elle aussi devenue sélective : hors diplômes d’État, le taux de refus au RNCP (Registre national des certifications professionnelles) est de 50 %, et s’élève à 82 % au répertoire spécifique (RS). "Par contre, les contrôles a posteriori des organismes porteurs de certification restent très limités, notamment sur leur capacité à maîtriser le déploiement de la certification par les organismes qu’ils ont habilités", observent les auteurs du rapport.

99,3 % d’admis à Qualiopi !

Au-delà de la lutte contre les dérives, l’Igas et l’IGESR se penchent sur les effets des différents outils mis en place pour assurer la "qualité" des formations. Cette notion complexe englobe conformité au cadre légal mais aussi qualité du service apporté et impact plus général sur les compétences et l’insertion professionnelle. La certification Qualiopi, obligatoire pour utiliser les fonds publics, apparaît insuffisante pour garantir toutes ces dimensions. Ce label ne suffit ni à "garantir la qualité pédagogique", ni ne permet "de vérifier le maintien d’une démarche d’amélioration continue". Tout au plus modifie-t-il "les pratiques générales de l’entreprise", comme l’organisation du travail, la gestion administrative et financière. Son obtention n’est pas un obstacle, puisque 99,3 % des dossiers sont acceptés. Un manque de sélectivité susceptible de ternir la réputation de Qualiopi.

Pour autant, les inspecteurs appellent à de la patience pour dresser un véritable bilan de Qualiopi, sa généralisation étant récente. Ils suggèrent de renforcer les exigences sur la formation à distance, l’accompagnement des apprentis à la recherche d’un contrat ainsi que l’appui aux jeunes en situation de handicap dans les CFA.

41 % des apprentis exclus du contrôle pédagogique

Le contrôle pédagogique de l’apprentissage se limite aux diplômes délivrés au nom de l’État (CAP, Bac Pro, MC, BP, BTS, DCG, DSCG…). Effectué sous tutelle des différents ministères, il "reste modeste et aux conséquences limitées". Ce sont aussi 41 % des apprentis qui échappent à ces contrôles car ils suivent des formations dans des établissements privés qui ne relèvent pas des périmètres des MCPFA (mission de contrôle pédagogique pour les formations par apprentissage), ni ne sont accrédités par le ministère en charge de l’enseignement supérieur.

Les données d’Inserjeunes relatives à la poursuite d’études et à l’insertion dans l’emploi sont incomplètes pour ce qui est des formations ayant lieu chez les commerçants, artisans et professions libérales, relève en outre l’Igas. S’agissant des formations de l’enseignement supérieur, Insersup est en cours de déploiement.

La qualité du suivi régional saluée par l’Igas

Du côté de la formation des demandeurs d’emploi, les observations de l’Igas et de l’IGESR sont moins alarmistes. La mission observe que les cahiers des charges de Pôle emploi comme des régions (lire annexe n° 15) sont plutôt de bonne tenue. Ils comportent des exigences de qualité pertinentes, relatives par exemple aux "parcours sans couture" ou à la lutte contre le décrochage. "De l’ensemble des informations recueillies, sur place ou par l’enquête, il ressort d’une manière systématique que la connaissance 'du terrain', c’est-à-dire d’une grande partie de la population des OF de la région, est un atout dans le suivi de la qualité des formations", observe même l’Igas.

  

Pour aller plus loin :

  

Localtis, 28 mai 2024
https://www.banquedesterritoires.fr/les-failles-du-controle-de-la-quali…