L’action publique au service des publics les plus éloignés

Le 8 octobre 2019, le Gip Alfa Centre-Val de Loire a organisé les "Conférences-débats" autour des questions des solutions partenariales innovantes pour les territoires ruraux et les publics éloignés.

Thierry Berthet, politiste

Cet évènement, qui s’est déroulé à la maison de Bégon à Blois, est le premier grand rassemblement organisé dans le cadre du Pacte régional d’investissement dans les compétences en partenariat avec la Région, représentée par Isabelle Gaudron, vice-présidente déléguée à la formation professionnelle, à l’insertion et à l’orientation et l’Etat représenté par Patrick Marchand, Directeur régional de la Direccte par intérim.

Thierry Berthet, Politiste, Directeur de recherches au CNRS, Directeur du laboratoire d’économie et de sociologie du travail (LEST) intervenait sur "l’action publique au service des publics les plus éloignés".

La distance, facteur central de la problématique des publics éloignés

Thierry Berthet fait tout d’abord un état des lieux des actions successives des politiques en termes d’emploi et de formation et revient sur la nouvelle expérimentation rendue possible dans le cadre du Pacte. Il observe une réorientation de la réflexion régionale avec une nouvelle approche qui est celle de la "distance". Thierry Berthet éclate cette notion de distance sur 3 items :

  • la distance à l’emploi des publics éloignés 
  • la distance des publics cibles vis-à-vis des institutions publiques
  • la distance géographique liée aux problèmes de mobilité.

Trois concepts pour identifier et se rapprocher des publics éloignés

De ces notions, découle une problématique globale qui est : "Comment identifier et agir auprès des publics éloignés ?" En effet, M. Berthet met en avant le problème de l’accompagnement des jeunes et de l’adaptation de la formation aux différents publics. Il présente plusieurs concepts/leviers qui permettent de mieux appréhender la problématique des publics éloignés comme :

  • Le non-recours :

Il a été observé, via des enquêtes de terrain réalisées dans plusieurs régions françaises, qu’il existait un public pour lequel accéder à ses droits n’était pas rendu possible, que ce soit par méconnaissance des dispositifs, par refus d’un droit dont ils sont pourtant bénéficiaires, ou encore par l’absence de demande du bénéficiaire. Cette dernière observation pose pour Thierry Berthet, une réelle réflexion à mener pour justifier de cette absence de demande. Est-ce pour des questions de lourdeur administratives ? de stigmatisation ? …
Pour illustrer cette notion de non-recours, Thierry Berthet relate une expérience réalisée en région Rhône- Alpes dans laquelle un délai de latence moyen de 27 mois pour une première inscription en mission locale a été observé. D’après cette même enquête, 25 % des jeunes ne connaissaient pas la mission locale avant d’y être inscrit. Pour lui, un manque d’information serait à la base de ce problème.

  • La "bureaucratie du niveau de la rue" :

Pour Thierry Berthet, il est aussi important de souligner l’accueil qui est réservé aux jeunes lors de leur première venue. C’est un moment capital pendant lequel le jeune accrochera ou non aux solutions qui lui seront apportées. Il souligne également que les opérateurs de terrains jouent un rôle essentiel et qu’il est important que ces derniers puissent avoir une plus grande latitude d’action afin de permettre une personnalisation plus accrue des demandes. Dans ce cadre, il est nécessaire que les opérationnels connaissent l’offre globale des dispositifs et structures dans lesquels le public cible est amené à évoluer selon sa situation.

  • La théorie des capabilités :

A travers la théorie des capabilités (A. Sen), il illustre le fait que, parfois, un problème est pris de manière trop large sans se poser la question de la capacité des individus à disposer des différents facteurs de conversion à leur disposition leur permettant de passer du stade de la formation à la réalisation d’objectifs concrets. Il en découle naturellement le besoin de toujours se rapprocher un peu plus de l’échelle de l’individu pour régler des problèmes comme celui de l’insertion dans l’emploi ou le décrochage scolaire. Le décrochage scolaire qui devrait, selon Thierry Berthet, devenir une problématique d’ampleur nationale à l’image de ce qui se passe au Québec, afin de mobiliser un maximum d’acteurs sur ce sujet.

Il présente également "l’effet de sentier" qui pose problème dans l’action publique puisqu’il décrit le fait de toujours réformer sur les éléments existants sans envisager la possibilité de repenser le système à sa base.

Conclusions de la conférence

Pour illustrer ces nombreux concepts, Thierry Berthet a accompagné ses propos de son expérience personnelle en tant qu’instituteur ou chercheur et expert de la question de la formation. Il met en avant les formations d’adultes comme moyen de réinsertion de certains jeunes sortis trop tôt du système scolaire.

Durant le débat, les participants font part de leur expérience de terrain et abordent les questions de l’accès à la formation professionnelle, de l’illettrisme comme cause nationale ou encore des particularités territoriales. Particularités qui pourraient amener à repenser la formation non pas comme quelque chose d’uniforme à l’échelle nationale mais comme un outil dépendant des besoins identifiés sur chaque territoire.
 

  

Lire aussi :

> Conférence Pacte : "L’emploi comme révélateur des fractures territoriales" (de Nadine Levratto - 8 octobre 2019)